Traitement préventif des récidives : les thymorégulateurs • Traitement en phase aiguë • Les molécules • Prescription et observance
Traitement préventif des récidives : les thymorégulateurs
Principe
Les traitements les plus souvent prescrits pour le du trouble bipolaire sont appelés thymorégulateurs ou régulateurs de l’humeur. Ces traitements permettent de réduire la fréquence, la durée et l’intensité des épisodes et d’améliorer la qualité des intervalles libres.
Leur efficacité ne peut être évaluée qu’après au moins 6 mois de traitement.
Pour certains le traitement doit être maintenu à vie. Une interruption de traitement ne peut en règle générale être envisagée avant une période de stabilité d’au moins 2 ans et doit être effectuée très progressivement sous surveillance médicale.
Choix de la molécule
Le plus ancien des thymorégulateurs, le lithium (sels de lithium), reste le traitement de référence.
D’autres régulateurs de l’humeur ont d’abord été développés comme les antiépiléptiques mais ont fait la preuve de leur efficacité thymorégulatrice : le valpromide, le divalproate, la carbamazépine et enfin la lamotrigine de sodium apparue plus récemment dans l’arsenal thérapeutique du trouble bipolaire.
Les nouveaux « antipsychotiques » dits « atypiques » (olanzapine, risperidone) ont initialement été proposés dans le traitement de certaines maladies psychotiques chroniques (schizophrénie) mais ont aussi des propriétés de régulation de l’humeur et peuvent être prescrits dans ce sens.
Dans certaines formes particulières ou résistantes aux traitements habituels le spécialiste peut proposer d’autres médicaments qui auraient des effets thymorégulateurs comme certains autres anti-épileptiques (gabapentine, topiramate), ou certains traitements antipsychotiques comme la clozapine, voire même des associations de thymorégulateurs entre eux.
Le choix entre ces trois groupes de médicaments (lithium, antiépiléptiques, antipsychotiques) dépend de l’histoire de chaque patient, de ses antécédents et contre-indications, de la situation clinique, des comorbidités, des habitudes et des choix du prescripteur et du patient. Il est impossible de résumer ici tous ces paramètres.
En cas d’inefficacité
En cas de résultat insatisfaisant du traitement et avant de conclure à la résistance à celui-ci trois questions doivent être posées :
- Le patient prend-il son traitement ?
- La dose est-elle adaptée ?
- La prise d’un autre médicament a-t-elle pu modifier la concentration sanguine du traitement thymorégulateur par interaction entre les deux produits
Traitement en phase aiguë
Principe
En phase aiguë qu’elle soit dépressive ou maniaque, il faut savoir discuter de l’hospitalisation en fonction de la situation : y a-t-il un risque suicidaire ? Y a-t-il des troubles de conduites ? Un traitement ambulatoire (c’est-à-dire instauré en consultation et non lors d’une hospitalisation) a-t-il déjà été tenté ?
Le patient est-il conscient de la nécessité des soins, et est-il capable de s’y conformer ?
C’est en fonction de ces nombreux paramètres que la nécessité éventuelle d’une hospitalisation doit être mesurée.
Les états maniaques
Les traitements spécifiques des états maniaques sont les thymorégulateurs, à prescrire rapidement et à dose parfois plus élevée que dans les cas où ils sont prescrits à titre préventif des récidives. Le traitement de référence (le premier à avoir été mis sur le marché) est le lithium. Les autres traitements disponibles appartiennent à la famille des antiépileptiques comme la carbamazépine, le valpromide et le divalproate. Les antipsychotiques atypiques comme l’olanzapine et la risperidone ont aussi des propriétés antimaniaques.
Initialement, si l’agitation est très importante, on a parfois recours à des traitements sédatifs de courte durée (neuroleptiques sédatifs, antipsychotiques atypiques, benzodiazépines) qui agissent rapidement sur ce type de manifestations.
En cas de résistance ou de réponse insatisfaisante ces traitements peuvent être associés entre eux.
Dans la plupart des cas le traitement antidépresseur s’il a été prescrit antérieurement doit être interrompu.
Dans les cas résistants à l’ensemble de ces traitements médicamenteux, la sismothérapie (ou électronarcose ou électroconvulsivothérapie : ECT) peut être utilisée pour réaliser une amélioration rapide et à court terme des symptômes sévères. Ce traitement est réalisé sous anesthésie générale sous un contrôle médical strict. Dans certaines indications il permet la rémission de l’épisode et le retour à l’ « état de base ». Les effets secondaires, (maux de tête ou troubles transitoires de la mémoire dans la plupart des cas, ou liés à l’anesthésie générale), sont eux aussi éloignées des idées reçues.
Le contrôle de l’état maniaque doit être suivi de la prescription d’un traitement au long cours, à l’aide d’un thymorégulateur. Le médicament utilisé pour le traitement curatif peut être poursuivi dans cette optique, mais des modifications sont également possibles.
Les phases dépressives
L’indication des traitements antidépresseurs chez les patients bipolaires doit faire l’objet d’un examen attentif, au cas par cas. Le risque principal représenté par leur prescription est celui du passage à un état hypomaniaque ou maniaque, ce que l’on appelle « virage de l’humeur » ou « virage maniaque ». Par ailleurs, les alternances de reprise et d’arrêt des antidépresseurs seraient en cause dans l’apparition de cycles rapides.
Bien entendu, face à un épisode dépressif sévère, notamment en présence d’idées suicidaires, cette prescription s’impose, entourée de toutes les précautions de surveillance nécessaires.
Les dépressions sévères, dites mélancoliques, justifient souvent une hospitalisation, un traitement antidépresseur, dans certains cas par perfusion pour réduire le délai d’action et parfois aussi l’adjonction de neuroleptiques dans les formes délirantes.
Les sismothérapies peuvent être proposées si l’intensité de la douleur morale devient insupportable ou en cas de risque vital lié aux idées suicidaires ou aux complications physiques de la maladie (refus alimentaire par exemple).
Les molécules
Sels de lithium, précautions d’emploi
Les sels de lithium sont le traitement de référence du trouble bipolaire. Ils sont prescrits dans cette indication depuis les années 60. La prescription initiale est réalisée par un médecin spécialisé en psychiatrie.
Leur toxicité éventuelle et leurs effets secondaires nécessitent d’éliminer certaines contre-indications avant de les prescrire, au moyen d’un bilan médical précis combinant un examen clinique, des bilans sanguins et urinaires et un électrocardiogramme.
Une surveillance de la fonction rénale et thyroïdienne doit être instaurée.
Les effets secondaires les plus fréquents sont les suivants :
- troubles digestifs, les diarrhées sont fréquentes en début de traitement, mais on observe aussi nausées et vomissements
- tremblements, parfois difficulté à parler
- syndrome confusionnel
- sécheresse de la bouche
- sensation de soif et augmentation du volume urinaire
- anomalies de la thyroïde
- acné ou sensations de prurit
Sels de lithium, mode d’emploi
La forme la plus prescrite des sels de lithium est le carbonate de lithium sous sa forme standard ou à libération prolongée limitant le nombre de prise quotidienne.
Pour être efficace le taux de lithium dans le sang ou lithiémie doit être compris dans une certaine « fourchette » dite thérapeutique. A l’instauration du traitement, des contrôles de ce taux seront donc effectués dans le but d’en déterminer la posologie efficace. Une fois l’équilibre atteint on pourra contrôler la lithiémie à intervalles réguliers ainsi qu’à chaque évènement faisant suspecter un déséquilibre de ce taux.
Ce type de déséquilibre peut survenir dans certaines situations notamment de déshydratation (fièvre, diarrhée, régime sans sel, période de canicule…) ou lors de la prescription d’autres traitements pouvant interagir avec le lithium.
Il est indispensable de signaler la prise de lithium lors de toute prescription et de consulter son médecin généraliste ou son psychiatre lors des situations à risque de déséquilibre de la lithiémie.
Le surdosage en lithium se manifeste par des tremblements, des douleurs abdominales, des diarrhées, des nausées, des vomissements, une confusion, une raideur de la mâchoire entraînant des difficultés pour parler. En cas de suspicion de surdosage, la consultation de son médecin et le contrôle sanguin de la lithiémie s’imposent.
A intervalles réguliers, le médecin fera le point sur la manière dont le patient supporte le traitement et sur le bénéfice apporté par celui-ci. Il contrôlera par un examen clinique et une prise de sang l’absence d’effets secondaires notamment sur le rein et la thyroïde.
Il faut attendre six mois à un an de traitement par lithium avant d’obtenir une action préventive efficace.
Le divalproate de sodium
Molécule d’apparition plus récente, le divalproate de sodium peut être utilisé en cas de résistance au lithium, de contre-indications ou encore dans certaines situations particulières comme les états mixtes ou les cycles rapides.
Parmi ses effets secondaires on peut observer :
- des hépatites médicamenteuses
- des états confusionnels
- des troubles digestifs
Le valpromide
De la même famille que le divalproate de sodium mais plus ancien sur le marché, le valpromide peut être utilisé dans les mêmes indications.
Parmi ses effets secondaires on peut observer :
- sédation, somnolence
- nausées, vomissements
La carbamazépine
La carbamazépine peut aussi être indiquée comme alternative au lithium en cas de contre-indication ou de résistance et peut lui être associée.
Il faut être très vigilant avant toute prescription, la carbamazépine pouvant modifier les taux sanguins des autres médicaments (les traitements contraceptifs par exemple)
Ses effets secondaires peuvent êtres :
- somnolence
- toxicité hépatique
- troubles digestifs
La lamotrigine
La lamotrigine possède des propriétés thymorégulatrices mais surtout de prévention des récidives dépressives.
Prescrite par certains dans des cas de résistance au traitement usuel, sa prescription se fait progressivement et sous surveillance en raison de possibles réactions cutanées le plus souvent bénignes mais qui peuvent dans des cas exceptionnels être plus graves.
Les antidépresseurs
Les plus utilisés chez les patients bipolaires appartiennent à la classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine comme la fluoxétine et la paroxétine. Moins toxiques et plus maniables que les antidépresseurs tricycliques apparus plus anciennement sur le marché, ils semblent moins souvent impliqués en cas de virage de l’humeur. Ils ont peu d’effets secondaires et très peu de contre-indications
Dans la « dépression bipolaire », c’est-à-dire dans la dépression émaillant le cours d’un trouble bipolaire, la prescription d’un traitement antidépresseur se fait selon des modalités différentes de ce qui est recommandé dans la dépression « classique » : les posologies sont souvent plus faibles et la durée de traitement plus courte, pour l’interrompre fréquemment dès la récession des symptômes dépressifs.
Les somnifères
Le rythme de sommeil est primordial pour les patients bipolaires. Il est fréquemment modifié lors des épisodes aigus : diminué ou augmenté dans la dépression et associé à une sensation de fatigue, diminué et sans fatigue dans la manie.
A l’inverse la privation de sommeil peut favoriser l’apparition d’un accès maniaque.
Les traitements utilisés font par exemple partie de la classe des benzodiazépines ou apparentés. On les prescrit avec précaution car ils exposent à un risque d’accoutumance, leurs effets diminuant avec le temps nécessitent d’augmenter les doses prescrites. A l’arrêt on remarque parfois des résurgences de troubles du sommeil (« effet rebond »).
Il existe d’autres traitements n’appartenant pas à cette classe provoquant moins d’accoutumance (hydroxyzine, alimémazine).
En aucun cas les somnifères ne sont la solution miracle aux troubles du sommeil. Certains conseils qui peuvent paraître évidents peuvent aussi améliorer la qualité du sommeil :
- Ne pas se coucher trop tôt et attendre les premiers signes de sommeil pour se coucher
- Éviter le sport le soir
- Réserver sa chambre pour le sommeil, ne pas y regarder la télévision ni y travailler
- Y maintenir une température de 19°C
- Éviter les excitants après la fin d’après-midi (café, thé, soda, alcool)
- Dîner léger
- Éviter les siestes
- Se coucher à heures fixes
Prescription et observance
Médicaments et observance de la prescription
La mauvaise observance du traitement médicamenteux reste l’un des problèmes graves et récurrents auxquels sont confrontés médecins et patients. L’interruption intempestive du traitement n’est jamais anodine et peut engendrer des conséquences parfois très néfastes.
Les raisons qui motivent l’arrêt sont souvent intriquées : mauvaise information, effets indésirables, très longue durée du traitement. Les patients arrêtent le traitement au moment d’une rechute dépressive, constatant son inefficacité partielle, ou lors d’une rechute maniaque, l’euphorie initiale étant interprétée à tort comme un signe de guérison. Il n’est pas rare que certains malades, nostalgiques de l’exaltation contemporaine de leurs épisodes maniaques, arrêtent leur traitement dans le but de retrouver cet état.
Des aménagements du traitement, préférables à son arrêt brutal et non concerté, peuvent être discutés dans une parfaite alliance thérapeutique.
Médicaments et personnalité
Les patients expriment souvent la crainte que le traitement ne modifie leur caractère, leur personnalité. Il est primordial de souligner qu’aucun traitement ne peut modifier la personnalité d’un individu.
Les médicaments peuvent néanmoins modifier certains fonctionnements pathologiques, atténuer certains traits dysfonctionnels mais de façon transitoire.