La place du psychiatre • La place du médecin généraliste • La place de l’hôpital • Modalités d’hospitalisation • La place du service de secteur • Que faire en phase aiguë ? • Prise en charge financière
La place du psychiatre
Le recours au psychiatre est difficilement contournable. Il est important d’établir une relation de confiance durable patient-médecin, « l’alliance thérapeutique » reposant sur une confiance mutuelle.
Le projet thérapeutique est élaboré en commun, en gardant à l’esprit que la route à parcourir ensemble est souvent longue et qu’il faut parfois plusieurs mois ou années de traitement médicamenteux quelquefois médiocrement toléré pour recueillir le bénéfice de celui-ci. La confiance mutuelle, l’échange d’informations sont donc des données fondamentales.
Il est important de communiquer sur les effets secondaires, les difficultés rencontrées, les réticences par rapport à tel ou tel type de traitement, l’absence apparente de résultats. Le patient ne doit pas hésiter à poser toutes ses questions à son psychiatre qui, lui, a le devoir de se montrer disponible.
La place du médecin généraliste
Bien que la gravité potentielle de la maladie maniaco-dépressive justifie le recours à un spécialiste capable d’assurer le maniement des thymorégulateurs, cela n’empêche pas que le médecin généraliste prenne une part active au traitement et ait un rôle primordial dans la prise en charge du patient.
Outre le rôle qui lui est maintenant conféré par les nouvelles réglementations de la sécurité sociale, il est un maillon essentiel de la chaîne thérapeutique, à l’interface entre le patient, le psychiatre et d’autres médecins spécialistes, qu’il informe des modifications de traitement et du risque d’interactions médicamenteuses. Son rôle de proximité est central.
Le médecin généraliste peut assurer le suivi du traitement médicamenteux, surveiller l’observance aussi bien que les effets secondaires éventuels et pourra être amené en collaboration avec le psychiatre à prescrire certains des traitements d’appoint.
Dans l’urgence, particulièrement dans les zones rurales, c’est souvent le généraliste qui est au premier rang, et qui a la tâche d’apprécier l’état du patient et le degré d’urgence qui lui est lié, surtout en cas de menace suicidaire. A l’inverse, c’est lui aussi qui se retrouve le premier dans le système de soins, confronté au patient en phase maniaque avec lequel le dialogue est souvent difficile. Dès le retour à l’euthymie, la qualité de la relation médecin-malade se réinstaure.
La bonne connaissance du milieu familial et du patient par le médecin généraliste lui confère un rôle essentiel auprès des proches : il sait conseiller le conjoint qui a besoin d’un soutien, parler aux enfants pour leur expliquer la situation…
La place de l’hôpital
Les épisodes maniaques et les épisodes dépressifs sévères avec idées suicidaires et/ou délirantes, nécessitent souvent une hospitalisation en milieu psychiatrique permettant de protéger le patient et de commencer un traitement.
La très grande majorité des hospitalisations se font comme dans tout service de médecine ou de chirurgie, en « hospitalisation libre ». Dans certains cas, rares mais toujours douloureux, le patient est incapable, du fait même de la maladie, de consentir aux soins dont il a pourtant besoin, et il faut recourir à une hospitalisation sous contrainte.
La loi du 27 juin 1990 prévoit en effet trois modes d’hospitalisation en psychiatrie, et ces trois modalités peuvent s’appliquer au patient qui soufre de trouble bipolaire :
- Soin psychiatrique libre ( S.P.L, ex-H.L.)
- Soin psychiatrique à la demande d’un tiers ( S.P.D.T, ex-H.D.T)
- Soin psychiatrique sur décision d’un représentant de l’état (S.P.D.R.E, ex-H.O)
En cas de soin libre, plusieurs structures peuvent accueillir les patients :
- L’hôpital de secteur
- Les services de psychiatrie générale des centres hospitaliers généraux et hospitalo-universitaires qui ne dépendent pas des secteurs
- Les cliniques privées.
Les soins psychiatriques sous contrainte se font le plus souvent dans l’hôpital de secteur dont dépend l’adresse du patient. Certains établissements privés ont un agrément pour accepter ces modes d’hospitalisation : ils sont rares
Modalités d’hospitalisation
Soin psychiatrique libre (S.P.L.)
C’est le régime habituel de soin psychiatrique dans les hôpitaux généraux publics. C’est, hors exception, le seul régime de soin psychiatrique dans les cliniques privées psychiatriques.
L’état du malade nécessite des soins en milieu hospitalier et il est d’accord pour être hospitalisé. Le malade sort sur avis médical ou à sa demande. Si le médecin pense que celui-ci court un risque en demandant sa sortie mais qu’il est capable de le faire en toute connaissance de cause, il lui demande de signer une décharge (« sortie contre avis médical »).
Dans le cas du trouble bipolaire les SPL peuvent être nécessaires en cas d’épisode dépressif, lors d’épisodes hypomaniaques modérés, ou pour ajustement thérapeutique.
Soin psychiatrique à la demande d’un tiers (S.P.D.T)
La demande est présentée par un membre de la famille ou par l’entourage. Elle est accompagnée de 2 certificats médicaux attestant que les troubles rendent impossible le consentement de la personne et que son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier.
Ces 2 certificats sont circonstanciés (description des troubles actuels justifiant le placement et non simple énoncé d’un diagnostic : ce n’est pas le fait de souffrir d’un trouble bipolaire qui justifie à lui seul l’hospitalisation à la demande d’un tiers mais la situation de danger induite par la maladie). Le premier certificat doit être établi par un médecin n’ayant aucun lien juridique avec l’établissement d’accueil. Le 2ème certificat doit être établi par un autre médecin qui peut exercer dans l’établissement d’accueil sans être nécessairement psychiatre. Si les deux certificats ne sont pas concordants le directeur de l’établissement d’accueil ne peut prononcer l’admission.
Dans les 24 heures de l’admission puis à intervalles réguliers (15 jours puis 1 mois) un certificat médical est délivré par un psychiatre de l’établissement d’accueil après examen de la personne hospitalisée, et statue sur la nécessité de maintenir ou non la mesure.
La fin de SPDT peut se faire sur décision médicale à tout moment du séjour (certificat de levée de SPDT) ou à la demande du tiers ayant demandé les soins. Bien sûr, il existe des voies de recours pour la personne recevant des soins psychiatriques contre son gré.
Dans le cas du trouble bipolaire, la SPDT peut être nécessaire lors d’épisodes dépressifs sévères avec idées suicidaires, ou lors de phases maniaques au cours desquelles le patient n’a pas conscience de la nécessité des soins.
Pour l’entourage, se trouver en position de demander des soins psychiatriques contre le gré de la personne est souvent très douloureux et très culpabilisant. Mais en pratique, une fois passée la phase aiguë, on observe souvent que le patient perçoit le bénéfice de cette mesure et accepte les soins qui peuvent se prolonger en ambulatoire ou en SPL selon l’état. A toutes les phases de cette procédure un grand travail explicatif est nécessaire de la part de l’équipe médicale à destination du patient et de son entourage.
Soin psychiatrique sur décision d’un représentant de l’état (SPDRE)
Les Préfets (à Paris, le Préfet de Police) peuvent prononcer par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié, l’hospitalisation d’office de personnes compromettant l’ordre public ou la sécurité des personnes.
Comme dans le SPDT, des certificats circonstanciés décrivant l’état du patient doivent être rédigés à 24 heures puis à intervalles réguliers (15 jours puis 1 mois) et se prononcer sur l’opportunité ou non de maintenir ou, au contraire, d’abroger la mesure de SPDRE.
Dans le cas du trouble bipolaire, le SPDRE peut être motivée à différentes phases de la maladie, et notamment pendant les phases maniaques, au cours desquelles il n’est pas exceptionnel de constater des troubles des conduites majeurs pouvant même se compliquer de gestes hétéro-agressifs.
La place du service de secteur
En France, des aires géo-démographiques précises ont été délimitées, définissant des territoires appelés « secteurs psychiatriques ». Chaque adresse en France dépend donc d’un « Secteur ». L’idée du Secteur est contemporaine de l’apparition des médicaments psychotropes (neuroleptiques, antidépresseurs puis régulateurs de l’humeur) qui dans les années 50 et 60 ont révolutionné la prise en charge des malades souffrant de troubles mentaux.
En bouleversant le pronostic de ces maladies, les nouveaux traitements changeaient du tout au tout la mission de l’hôpital qui petit à petit a perdu sa mission d’accueil au long cours (bien décrit par le terme « d’asile ») pour se recentrer sur la prise en charge des phases aiguës de la maladie mentale. Des malades jusque-là hébergés à l’hôpital ont pu, ont dû aussi, en sortir, et les médecins avec leurs autorités de tutelle ont dû imaginer des solutions alternatives : c’est ce qu’on a appelé la « désinstitutionnalisation ».
Les soins de traitement et de prévention des maladies psychiatriques se sont donc organisés au plus proche du domicile des malades dans les centres médico-psychologiques (CMP). Chaque secteur peut disposer de surcroît d’un certain nombre de structures extra-hospitalières en plus du CMP : hôpitaux de jour, centres de crise, appartements thérapeutiques, consultations spécialisées… Toutes les activités des CMP sont entièrement gratuites.
Chaque secteur psychiatrique est sous la responsabilité d’un médecin psychiatre. L’équipe pluridisciplinaire est composée de psychologues, d’infirmiers, d’assistantes sociales auxquels peuvent s’adjoindre des éducateurs spécialisés, ou des paramédicaux tels que des ergothérapeutes ou des psychomotriciens.
C’est à la même équipe qu’il incombe d’assurer les prises en charge intra et extra-hospitalières, garantie de la continuité des soins. L’esprit du secteur est d’organiser en outre un travail en réseau avec l’ensemble des autres structures médico-sociales et associatives : hôpital de secteur où se trouvent des lits d’hospitalisation, hôpitaux généraux, médecins généralistes ou spécialistes, services de la mairie, centres de prise en charge de l’alcoolisme…
On comprend que dans le cas du trouble bipolaire, maladie sujette à récidives et parfois invalidante, le service de secteur, garant de la continuité des soins, puisse apporter une aide très précieuse : cohérence des soins médicaux tout au long de l’évolution et des rechutes éventuelles, soutien de l’équipe infirmière, visites à domicile, mise en place d’un projet médico-social adapté…
Dans d’autres cas en revanche, lorsque la maladie est plus épisodique, en fonction aussi, bien sûr, du choix du patient et de l’offre de soins disponibles localement, le service de secteur n’a pas à intervenir et la prise en charge est délivrée par d‘autres structures : médecine libérale ou associative par exemple.
Que faire en phase aiguë ?
Plusieurs intervenants peuvent alors aider les familles lors d’une phase aiguë :
- le médecin psychiatre qui suit le patient
- le médecin généraliste
- un service d’urgences psychiatriques : dans la plupart des hôpitaux généraux se trouve un service d’accueil d’urgence psychiatrique où 24 heures sur 24 un psychiatre peut recevoir un patient, évaluer son état et l’orienter vers un suivi ambulatoire ou vers une hospitalisation si cela s’avère nécessaire
- dans certaines grandes villes il existe en outre des services spécialisés d’urgence psychiatrique (par exemple à Paris, le CPOA : centre psychiatrique d’orientation et d’accueil)
- certains services de secteur ont leur propre centre d’accueil et de crise (CAC) où les patients du secteur peuvent être évalués et parfois rester quelques jours le temps de juguler le moment aigu
- dans les cas où le patient refuse ou est dans l’impossibilité de se rendre aux urgences on peut faire appel à des services médicaux privés. Un médecin se déplace au domicile du patient et peut alors évaluer la situation et prendre la décision qui s’impose
- le centre médico-psychologique (CMP) peut aussi organiser des visites à domicile permettant d’examiner et d’évaluer l’état du patient
- dans certains cas extrêmes et très rares, notamment lors d’agitation intense ou d’agressivité ou au contraire de complications physiques de la maladie (dénutrition grave par exemple), la police, les pompiers ou bien encore le SAMU peuvent être sollicités
Dans la grande majorité des cas lors des phases aiguës de la maladie bipolaire, le patient lui-même est capable de demander de l’aide. Plus rarement mais cela est alors toujours douloureux, c’est l’entourage qui se trouve en position de demander des soins pour la personne qui souffre.
Prise en charge financière
Le trouble bipolaire fait partie d’une liste de 30 pathologies considérées comme nécessitant un traitement prolongé et coûteux ouvrant droit à l’exonération du ticket modérateur. C’est la caisse primaire d’assurance maladie qui accorde le droit à bénéficier de l’ALD (affection de longue durée) sur demande du médecin traitant.